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Animaux de laboratoire : qui sont-ils ?

 

Chaque année en Suisse, ce sont près d’un demi-million d’animaux qui passent entre les mains de laborantins pour diverses raisons : tests toxicologiques de médicaments ou produits cosmétiques, prévention et traitement des maladies, contrôle de la qualité des denrées alimentaires, enseignement et formation. Mais qui sont ces animaux de laboratoire, dits animaux d’« expérience » ? Quels sont les traitements exceptionnellement autorisés en Suisse pour ces animaux ?

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 Animaux d’expérience


En laboratoire, les animaux les plus représentés sont les rongeurs (Rodentia) : cet ordre de mammifères comporte plus de 2000 espèces dont les souris et les rats sont les plus répandues. En effet, ces derniers sont très appréciés dans ce domaine, car ils sont petits et facilement maniables, ont une grande capacité d’adaptation, que l’on en trouve partout dans le monde et qu’ils ont la capacité d’établir une relation durable avec l’humain, phénomène biologique appelé « synanthropie ». Les souris et les rats représentent à eux seuls 85 à 90% de l’ensemble des animaux de laboratoire. Lapins, singes ou chiens comptent parmi les autres espèces utilisées.


Selon l’Ordonnance sur la Protection des Animaux, les animaux d’expériences doivent provenir d’une animalerie suisse autorisée ou d’un établissement étranger équivalent (Art. 118, al. 1, OPAn). Exception : cette règle ne s’applique pas aux animaux domestiques, pour autant que ceux-ci ne soient ni chiens, ni chats, ni lapins (Art. 118, al. 2, OPAn). Il est interdit de capturer des animaux sauvages à des fins expérimentales, à moins que l’espèce en question soit trop difficile à élever en nombre suffisant. (Art. 118, al. 3, OPAn). Les primates, eux, doivent obligatoirement provenir d’un élevage (Art. 118, al. 4, OPAn).

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 Conditions d’élevage


La détention standard des petits animaux de laboratoire se fait dans une boîte en plastique transparente dont la surface au sol varie entre 600 et 1800 cm2 selon le nombre d’animaux détenus, ce qui représente, à titre d’exemple, une boîte de 31 x 21 cm. Celle-ci est fermée sur le dessus par une grille en métal façonnée de façon à y déposer la nourriture et l’eau. Les animaux d’expérience d’espèces sociables doivent être détenus en groupe, bien que des exceptions soient permises pour une durée limitée (Art. 119, al. 2, OPAn).

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Les conditions de vie dans un environnement aussi restreint et prosaïque que celui-ci ne sont pas sans conséquences sur les animaux. Plusieurs études ont été menées afin d’observer les différences entre les rats d’expériences et les rats dits sauvages, tous deux appartenant à la même espèce et possédant donc le même génome d’origine : il a été démontré que les rats qui ont été élevés en laboratoire puis remis dans leur milieu naturel sont dépourvus des réflexes naturels comme la chasse ou la fuite face à un prédateur. Ils sont donc inaptes à la vie sauvage et ont une espérance de vie très écourtée, tandis que leurs congénères non manipulés par l’homme ont naturellement évolué dans un milieu qui leur a permis de développer ces réflexes innés liés à la survie.


Par ailleurs, les rats de laboratoire évoluent dans un espace à deux dimensions seulement ; une fois relâchés dans la nature, ils vont découvrir l’art de grimper, tout à fait nouveau pour eux jusqu’ici. Autres nouveautés : la nourriture infiniment plus variée (les rats et souris sont omnivores) mais bien plus rare, la rencontre avec leurs prédateurs naturels ou l’interaction avec leurs congénères, notamment. En laboratoire, on leur impose un rythme peu usuel pour leur espèce, puisque les rats sont des animaux nocturnes ; la nuit, ils sont très actifs alors que la journée, moment de repos naturel, on les soumet à la lumière artificielle et à toutes sortes de manipulations pour les expériences dont ils sont l’objet. 

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 Troubles du comportement


Bien que ces animaux soient dotés d’une grande capacité d’adaptation, ce rythme épuisant et ces privations quotidiennes entravent de façon significative leur bien-être. La pratique est pourtant bien autorisée, la détention d’animaux de laboratoire étant légiférée autrement que pour les autres animaux (Art. 10, al. 1, LPA) et que des dérogations par rapport à la détention, au transport, à la provenance, au marquage et à la manière de les traiter étant possibles si elles sont nécessaires pour atteindre le but d’une expérience (Art. 113, OPAn).


Lorsque des besoins naturels ne sont pas assouvis, on observe un phénomène typique que l’on appelle les « stéréotypies ». Une stéréotypie est un comportement récurrent, mécanique, qui est répété indéfiniment et de la même façon par l’animal sur une longue durée et souvent à une fréquence de plus en plus élevée. Cela reflète un mal-être ou un manque chez l’animal qui tente désespérément d’exercer un comportement qui lui est impossible d’atteindre de par sa détention. Un exemple type chez les rats est le sautillement ou le looping, où l’animal montre l’intention de sortir de la cage par la grille en sautant ou en grimpant contre la paroi de la boîte sans arrêt. Lors d’un looping, le rat saute en arrière formant des cercles à la manière de saltos arrière. De plus, ces animaux peuvent développer une plus haute sensibilité au stress et devenir davantage anxieux et craintifs, voire même atteindre un état de dépression psychologique, si ce manque devient trop important ou trop long.

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 Conclusion


Il n'y a pas d'espèce plus illogique que l'espèce humaine. Nous catégorisons les animaux d'une même espèce de façon complètement opposée en fonction de nos envies et besoins : on chasse les rats de la manière la plus brutale quand ils envahissent dans notre cuisine ou notre grenier, on les utilise cruellement pour les expérimentations animales et on les chouchoute quand ce sont nos animaux de compagnie. Cet exemple flagrant de discrimination est une normalité puisque même la loi le confirme : à chaque utilité son traitement. Ce qui n’est pourtant pas mentionné, ce sont les limites de la souffrance que subissent les animaux de laboratoire…

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Sarah Lopez, février 2019

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Sources :

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  • www.blv.admin.ch

  • OPAn, section 2 : « Détention, élevage et commerce d’animaux d’expérience »

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