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DOCUMENTATION Dossier nutrition par PEA consultable ici

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INVITÉE Rossana Scalzi, nutritionniste, spécialiste de l’alimentation végétale

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Afin de vous présenter un regard professionnel sur le végétalisme, nous avons posé cinq questions à Rossana Scalzi.

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« L’être humain est omnivore, il doit manger de la viande ». Cette affirmation est-elle toujours d’actualité au 21e siècle ?


Rossana Scalzi : Non. Nous avons suffisamment de connaissances historiques, grâce notamment à l’étude de la composition chimique d’os et des dents fossilisés, mais aussi de la faune et de la flore de l’époque, pour affirmer que nos premiers ancêtres, il y a quelque sept millions d’années, n’étaient pas omnivores. Ils se nourrissaient de ce qu’ils trouvaient dans la nature : végétaux, tubercules et racines, principalement. Le passage à un régime carné n’a eu lieu que bien plus tard, avec le perfectionnement des ustensiles de chasse et la domestication du feu (et donc la maîtrise de la cuisson). Le néolithique a vu apparaître des modifications profondes de l’alimentation de l’homme, avec l’introduction des produits laitiers et ses effets délétères sur la santé (l’étude de dents fossilisées ont notamment mis en avant une multiplication des caries).


Aujourd’hui, nous nous sommes dangereusement éloignés des produits frais. 200 ans après la révolution industrielle, nos aliments sont sucrés, enrichis artificiellement et contiennent de plus en plus de mauvaises graisses (acides gras saturés), de sel, de conservateurs et de colorants. Mais surtout, ils possèdent bien moins de fibres végétales. Après la carie, ce sont l’obésité et les maladies comme le diabète et les problèmes cardiovasculaires qui nous guettent.

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N’étant pas omnivore par nature et, bien qu’ayant consommé de la viande durant des millénaires, son système digestif n’ayant que peu évolué, l’adoption d’un régime alimentaire composé majoritairement de produits animaux n’est pas sans conséquences. Penchons-nous d’un peu plus près sur l’anatomie de l’être humain. Lorsqu’on la compare à celle d’autres animaux omnivores ou carnivores, on s’aperçoit que ces derniers ont un tube digestif extrêmement court qui leur permet de digérer au plus vite la chair pour éviter qu’elle ne se putréfie, tandis que notre système digestif est beaucoup trop long pour cela. Quand nous mangeons de la viande, un mécanisme de putréfaction se produit alors inévitablement dans notre corps et ces protéines sont transformées en acides urique, phosphorique et sulfurique. Ce sont les reins qui doivent en organiser l’élimination. Lors d’une consommation excessive de protéines, le corps n’arrive plus à assurer correctement l’élimination des acides. Saviez-vous que le lait et les fromages sont les produits animaux les plus acidifiants ? Si la consommation quotidienne de viande est un excès regrettable pour notre santé parce qu’elle favorise le dépôt d’acide urique dans les articulations, un cocktail quotidien « viande + produits laitiers » s’avère explosif au fil des années.


De nombreuses études scientifiques démontrent à présent que la consommation de produits animaux a des effets dévastateurs sur la santé (en plus de conséquences désastreuses sur notre planète). L’OMS a même revu ses recommandations en la matière.


Un régime exclusivement végétalien est-il équilibré ?

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Oui. La richesse des fibres des végétaux offre un effet extrêmement bénéfique et protecteur sur nos cellules. Pour absorber les nutriments nécessaires à notre santé, il est important d’adopter un régime végétal vivant et varié (règle des trois V du Dr Schaller). Végétal car les plantes permettent la transformation de l’énergie solaire en oxygène et en molécules organiques. Ces fibres cellulosiques sont indispensables à la bonne santé humaine. Vivant pour tous les aliments que la nature nous offre tels quels (fruits, légumes, graines germées, jeunes pousses, oléagineux, algues, etc.) et dont les substances actives sont nécessaires au métabolisme de notre corps. Ils devraient constituer les trois quarts de notre alimentation. Varié, enfin, parce que manger diversifié permet d’offrir au corps tous les nutriments dont il a besoin (et même de faire des écarts en société !).


La pyramide alimentaire que l’on nous présente à l’école date des années quarante. Les légumes y sont pour ainsi dire considérés comme une simple garniture. Or, nous savons aujourd’hui que cette représentation est un non-sens. Malheureusement, de nombreuses études et campagnes sont encore financées ou menées directement pas les lobbies agroalimentaires, avec des enjeux économiques énormes, et constituent un véritable obstacle à une prise de conscience de la réalité sanitaire et écologique. 


J’aimerais également mettre le doigt sur l’association « régime végétalien = carences ». Un régime déséquilibré, quel qu’il soit, va engendrer des carences. Or, une alimentation exclusivement végétale peut tout à fait être équilibrée si elle est bien menée. Mais le principal problème que nous rencontrons à l’heure actuelle est que nous avons perdu en cinquante ans 80% des vitamines et des minéraux présents dans la terre, conséquence directe de l’agriculture et l’exploitation intensives. Les aliments que nous avons à disposition aujourd’hui sont désespérément appauvris, pour ainsi dire morts, à tel point que nous sommes devenus une société de fatigués chroniques, présentant énormément de maladies de toutes sortes. Végétaliens ou non, une supplémentation s’avère souvent nécessaire. Il est faux de croire que la viande d’aujourd’hui apporte naturellement de la vitamine B12, tout comme les produits laitiers du calcium. Les animaux d’élevage reçoivent des hormones et des vitamines de synthèse et l’industrie en rajoute encore artificiellement lors de la transformation des produits. 


Quant aux protéines et à l’apport en fer, on nous fait croire que le fer héminique (qui provient des animaux) est meilleur que le fer non héminique (qui provient des végétaux), arguant que ce dernier est mal absorbé. En réalité, il est absorbé plus lentement, mais de manière plus stable. Nous savons aujourd’hui que les cellules cancéreuses se nourrissent de fer héminique. L’OMS met d’ailleurs en garde les consommateurs de viande rouge à ce sujet. Les personnes qui présentent des prédispositions dans ce sens ont donc tout intérêt à favoriser des sources de fer non héminique. 


Que conseillez-vous à une personne qui souhaite adopter un tel régime ?

 

Avant tout, je conseille à cette personne de se renseigner sur la nutrition, voire de se faire accompagner par un.e professionnel.le spécialisé.e dans l’alimentation végétale, afin de bien comprendre qu’à l’heure actuelle, ce n’est pas le régime qui est important, mais la façon dont on se nourrit. Se nourrir de pâtes à la sauce tomate et de salade n’est évidemment pas équilibré. 

 

Mon conseil : oubliez tout ce qu’on vous a appris et réapprenez la nutrition. Quand on sait que la viande est de la chair morte, comment peut-on espérer y trouver de la vitalité ? Il est essentiel d’apprendre à choisir les aliments les plus riches et les plus vivants possible, contenant des cellules et des enzymes qui donnent de la vie, comme les graines germées, les végétaux, les jeunes pousses, pour autant qu’on les mange au plus près de ce que la nature nous offre. Lorsqu’un aliment a été congelé puis surcuit, il perd tous ses nutriments. Manger des crudités et cuisiner des aliments frais à la vapeur est idéal. 

 

Il est également primordial d’utiliser des bonnes huiles : les deux seules qui ne se modifient pas au niveau moléculaire à la cuisson sont l’huile d’olive et l’huile de coco, pour autant qu’elles soient vierges (ce qui permet de stabiliser les molécules et d’éviter que l’huile ne se transforme en gras trans, potentiellement cancérigène). Toutes les autres doivent être pressées à froid et consommées crues. 

 

Devenir végétalien, c’est en quelque sorte enlever ses œillères, ouvrir la porte à une variété extraordinaire d’aliments et (re)découvrir tout un univers d’oléagineux, de céréales anciennes et complètes, de légumineuses, d’épices et d’herbes aromatiques, de couleurs et de saveurs. L’offre actuelle permet d’enrichir ses plats de manière incroyable. En sachant qu’une telle alimentation fait du bien sur tous les plans – santé, écologie et éthique –, franchir le pas n’est plus vraiment une difficulté.


Une alimentation exclusivement végétalienne peut-elle convenir à tout le monde ?

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Bien sûr. Elle peut convenir à tous, qu’on soit sportif, femme enceinte ou allaitante, nouveau-né, bébé, enfant, personne âgée. L’enjeu n’est encore une fois pas l’alimentation mais la nutrition, et il s’agit de préserver un maximum les qualités des produits que nous consommons. La manière dont nous coupons et cuisinons les aliments, les matériaux des supports et ustensiles que nous utilisons, rien ne doit être laissé au hasard et l’importance de ceci doit être bien comprise.

 

Une femme enceinte doit prêter une attention particulière à ses apports en fer et oméga 3 (qui favorise le développement cérébral du fœtus). Un enfant a besoin de calcium, qu’on trouve dans de nombreux végétaux comme les amandes, à consommer sous forme de fruits ou de lait, mais aussi les feuilles vertes et certaines céréales. Saviez-vous que l’acidité des produits laitiers d’origine animale empêche de fixer le calcium, alors qu’on entend souvent le contraire dans les promotions des grandes marques ? Là aussi, une bonne information et une vérification des sources permettent de démêler le vrai du faux. Quand on pense que le lait de vache n’est autre que du lait maternel pour veau, bourré d’hormones de croissance pour que celui-ci prenne plusieurs centaines de kilos en quelques mois, on réalise immédiatement que ce n’est évidemment pas ce dont nous avons besoin. Il contient d’ailleurs des enzymes qui demandent plusieurs cycles pour être digérées (ces ruminants possèdent quatre estomacs). Imaginez l’effort pour un bébé humain, dont le système digestif n’est pas encore mature, pour absorber tout cela ! La littérature spécialisée vous permettra d’obtenir plus d’informations sur les besoins spécifiques de chaque personne.

 

Ce n’est pas parce qu’à travers les siècles, l’être humain a été conditionné à supporter certaines choses et s’est adapté que cela n’a pas de conséquences. Nous sommes les plus malades de l’histoire. Bien sûr, nous vivons bien plus longtemps grâce aux progrès de la médecine, mais nous vivons extrêmement mal, souffrant parfois quinze ou vingt ans de maladies comme Alzheimer, problèmes articulaires ou cancers, effets directs de notre alimentation catastrophique. Déjà à l’époque, de grands savants disaient que la santé passe avant tout par l’alimentation. C’est une évidence.


Manger végétalien est-il à la portée de toutes les bourses ?


Affirmer que manger végétalien est cher, c’est prendre le problème du mauvais bout. Il y a un choix à faire lorsqu’il s’agit de notre alimentation. Certes, les produits de qualités sont un peu plus chers à l’heure actuelle (la mainmise des lobbies agroalimentaires est telle que la demande est encore trop faible, même si l’éveil des consciences a d’ores et déjà commencé à changer les habitudes des gens). Mais manger sainement doit être vu comme un investissement à long terme, un capital-santé que l’on constitue pour le restant de sa vie et que l’on offre à ses enfants. Choisir de ne pas faire cet investissement, c’est « payer » de sa santé.


N’oublions pas non plus que plus nous mangeons d’aliments morts et pauvres en nutriments, plus nous avons besoin de manger en quantité pour pouvoir en apporter. Si nous nous sentons rassasiés, notre corps s’aperçoit vite qu’il n’a pas eu tout ce dont il a besoin, et réclame de manger encore. Au final, cela coûte-il vraiment moins cher qu’une alimentation riche et vivante, dont une quantité moindre peut apporter tout ce dont notre corps a besoin ?

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Propos recueillis par Céline Liberale, décembre 2018

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