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Les vaches à hublot

 

La diffusion de la vidéo de l’association L214 en juin dernier a provoqué une onde de choc auprès d’une population scandalisée, permettant ainsi de mettre en lumière la technique du « hublot » chez les vaches. Encore bien méconnue du grand public, cette pratique n’est pourtant pas si récente et joue un rôle important dans le secteur agroalimentaire notamment. Si l’idée paraît horrifiante au premier abord, il est intéressant de constater que les idées les plus folles ne sont pas forcément les plus cruelles…

 

 Qu’est-ce qu’une vache à hublot ?

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La fistulation est un concept né au XXe siècle déjà. Ce n’est qu’au début des années 1980 que la pratique a été introduite en Suisse dans le canton de Berne. Les vaches à hublot, ou vaches « fistulées », subissent une opération sous anesthésie locale, au cours de laquelle une incision dans le flanc est pratiquée, afin de permettre l’accès à la panse. Le trou est ensuite cerclé de plastique, puis refermé à l’aide d’un bouchon, donnant ainsi la possibilité d’intervenir dans la panse de l’animal à tout moment.

Cette technique est aujourd’hui utilisée dans la plupart des pays d’Europe, aux USA ou en Nouvelle-Zélande.

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 L’utilité de la fistulation

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Lors de sa première mise en œuvre, la fistulation visait à étudier la digestion, en particulier la fermentation faite par les micro-organismes qui se trouvent dans la panse des ruminants. Le but était donc d’en apprendre plus sur les besoins nutritionnels des animaux et améliorer les rations alimentaires pour, d’une part, augmenter leur bien-être et, par conséquent, améliorer les performances que l’on attend d’eux. Aujourd’hui, et maintenant que ces connaissances sont largement acquises, l’industrie agroalimentaires cherche officiellement à réduire les émissions de gaz à effet de serre produits par les vaches, en étudiant l’effet de certains aliments sur la quantité des gaz émis.

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Pour examiner le contenu de la panse, un petit sac est inséré à l’entrée du trou, puis un échantillon de son contenu est prélevé à intervalles réguliers (plus d’infos ici).

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L’accès au rumen (autre nom de la panse) permet non seulement l’insertion et l’extraction de chyme (mélange de nourriture, d’enzymes, de salive et de micro-organismes), mais aussi le prélèvement de son contenu à des fins cliniques. En effet, les vaches présentant des problèmes digestifs et/ou qui se font opérer de la panse nécessitent souvent du contenu sain pour remplacer le leur qui est malade. Ainsi, les vaches fistulées servent de donneuses pour ces vaches, notamment au Tierspital de Berne, lui-même propriétaire d’une vache hublot.

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 Quelles conséquences pour l’animal ?

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Selon l’institut suisse Agroscope, les effets postopératoires de cette intervention chirurgicale s’apparenteraient à ceux d’une césarienne. D’ailleurs, la fistulation est aussi pratiquée dans la médecine humaine, lors de la colostomie notamment, qui est une forme de fistulation. La vache est médicamentée par des antidouleurs durant les cinq jours qui suivent l’opération ; après cette période, on n’observerait aucun signe de gêne ni de douleur de la part de la vache, toujours d’après Agroscope. Mis à part l’opération et le port de ce hublot, l’animal vivrait de la même manière que tous les autres, c’est-à-dire en troupeau, parmi ses congénères « intacts ».

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La fistulation augmente la valeur de l’animal, puisque celui-ci va montrer une performance notablement plus élevée que la moyenne, ce qui l’élève au rang d’élite. Ses exploitants y trouvent dont un intérêt direct en faisant procréer davantage la vache (« laitière », dans ce cas), rallongeant ainsi sa durée de vie. Une vache laitière standard vêle en moyenne six fois dans sa vie, alors que les vaches fistulées vont faire naître jusqu’à huit veaux avant d’être abattues.

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 Alternatives au hublot

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Pour l’heure, l’étude de la fermentation gastrique chez les ruminants se fait uniquement à l’aide de la fistulation. D’autres méthodes existent, comme l’utilisation d’une panse artificielle, mais celle-ci nécessite du jus de panse qui peut être prélevé sur une vache fistulée, mais également par sonde œsophagienne chez une vache saine. Toutes les méthodes ont donc leurs contraintes, mais la fistulation reste la seule qui est aujourd’hui mise en œuvre, bien qu’à très petite échelle (une seule vache fistulée chez Agroscope en juin 2019).

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 La fistulation dans la Loi

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Selon la LPA, tout procédé qui inclut le « prélèvement ou l’examination des cellules, des organes ou des liquides organiques » est considéré comme une expérience sur les animaux (art. 3, let. c, al. 4). Par définition, la fistulation appartient donc à la catégorie de l’expérimentation animale, ce qui implique que cette intervention doit être « limitée à l’indispensable » (art. 17) et qu’elle nécessite une autorisation de la part de l’office vétérinaire cantonal (art. 18, al. 1).

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Pour que cette expérience soit autorisée, les avantages obtenus doivent être plus conséquents que les dommages causés à l’animal sur la balance de la pesée des intérêts. Aujourd’hui, la crise climatique à laquelle nous faisons face est donc un formidable argument pour le secteur de l’élevage qui promet ainsi de se questionner sur son rôle quant à la pollution, et notamment les émissions de gaz à effet de serre.

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 Une expérience parmi tant d’autres

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Si la technique choque, elle répond pourtant aux critères établis par la LPA. Au même titre que toutes les autres expériences pratiquées sur les animaux, ceux-ci sont utilisés à des fins de rendement. Il faut bien légitimer leur exploitation ! Tout va bien, en somme.

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Sarah Lopez, juillet2019

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Sources :

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  • Agroscope

  • LSCV

  • LPA

  • Le Temps

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Images tirées de la vidéo L214

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