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Nourrir les Animaux Sauvages : Impacts de cette Pratique Touristique

 

Résumé du texte « Feeding wildlife as a tourism attraction: a review of issues and impacts » de Mark B. Orams

Quels sont les impacts de la pratique touristique consistant à nourrir la faune sauvage (wildlife feeding) et quelles sont les approches adoptées par le management selon ces impacts ? Cette problématique s’inscrit dans le modèle d’Orams (2001) appelé « Spectrum of Tourist-Wildlife Interaction Opportunities ». Ce dernier a pour objectif de catégoriser les relations qu’entretiennent les touristes avec la faune locale. Il en résulte trois catégories : animaux en captivité, en semi-captivité ou sauvages. Ainsi, grâce à ce modèle, Orams précise que la relation existant dans cette activité touristique se situe entre le « sauvage » et la « semi-captivité » car on utilise de la nourriture pour attirer les animaux afin qu’ils puissent être observés par les touristes.

 

D’après Orams, le fait de nourrir des animaux sauvages ou semi-sauvages dans un cadre touristique comporte quatre types d’impacts sur les animaux. Premièrement, l’altération du comportement naturel des populations. En effet, les animaux étant nourris, ils ne font plus la démarche de chercher de la nourriture par eux-mêmes et dédient ce temps à d’autres activités comme la reproduction. De plus, cela modifie également le schéma migratoire de certaines espèces ou encore la balance écologique. Puis, il y a également une forme de dépendance des animaux qui perdent l’habitude et la capacité de chasser mais aussi une forme d’habituation à la présence humaine qui, par moment, peut les mettre en danger. Ensuite, cette activité touristique peut engendrer un comportement agressif chez certains animaux vis-à-vis de l’homme pour avoir de la nourriture ou par peur face à certains gestes que celui-ci peut avoir. Finalement, il existe aussi le risque de causer des impacts négatifs sur la santé des animaux. En effet, certains aliments qui sont donnés aux animaux ne font pas partie de leur régime alimentaire « naturel » et cela engendre donc des problèmes de santé physiques mais aussi génétiques.

 

Orams relève tout de même que cette pratique touristique peut également avoir un impact positif sur certaines populations animales dans la mesure où quelques programmes de conservation animaliers ont permis le repeuplement de certaines populations. De plus, nourrir des prédateurs peut permettre aux populations chassées de se repeupler.

 

Pour tenter de limiter ces impacts, une série de mesures peuvent être mises en place. Tout d’abord l’interdiction de cette pratique. Mais cette mesure est difficile à mettre en place car elle pourrait créer de l’incompréhension et de la confusion de la part de touristes (par exemple des touristes ne comprenant pas pourquoi il est possible de nourrir certaines espèces mais pas d’autres) mais aussi car les agences mettant en place ces interdictions sont parfois trop agressives. Une autre méthode serait la régulation de cette pratique, impliquant ainsi des contrôles. Finalement, comme troisième réaction, l’ignorance permet de s’adonner librement à cette pratique. Ainsi, les mesures peuvent varier d’une interdiction ferme à une libre pratique.

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En plus de l’aspect problématique du wildlife feeding et des mesures par rapport à cette activité, Orams explique également quelle est l’attraction pour les touristes souhaitant s’adonner à ce type d’activité. Il met notamment en évidence le fait que l’interaction avec la nature est important pour l’être humain qui a de moins en moins l’opportunité d’interagir avec celle-ci et que l’activité de partager de la nourriture fait partie de la nature humaine. Cela serait est lié à la relation entre les humains et les animaux, qui varie selon les cultures : animaux en tant que subordonnés, égaux ou supérieurs à l’homme. Les touristes d’aujourd’hui sont en quête d’un rapprochement avec la nature tout en vivant des expériences marquantes. Nous retrouvons ces éléments dans ce type de tourisme. En effet, les touristes qui le pratiquent ont la sensation de se rapprocher de la nature et d’apprendre à la connaître en observant les « créatures » qui la peuplent. De plus, voir des animaux sauvages dans leur environnement « naturel » et « libres » est souvent très riche en émotions pour les touristes, qui vivent ainsi des expériences marquantes.

 Conclusion et autres pistes de réflexion

 

Le wildlife tourism comporte un aspect globalement négatif, qui est le fait de nourrir les animaux. Mais nous pouvons également nous intéresser aux autres aspects négatifs de ce type de tourisme. Green et Higginbottom ont publié un rapport sur les effets négatifs du tourisme sur les animaux dans lequel de nombreux impacts et enjeux sont relevés. Ce rapport a été rédigé dans le cadre du Crc Sustainable Tourism et fait partie des nombreux rapports et articles en lien avec le wildlife watching tourism présents en Australie. Nous allons ici présenter certains aspects de ce rapport.

 

Green et Higginbottom expliquent que la nourriture donnée aux animaux par le tourisme altère l’habitat de celui-ci : « an augmentation of an animal’s resources is essentially an alteration to its habitat. Supplementary feeding includes: deliberate feeding by tourists; the stealing of food from unwilling tourists; manipulation of habitat to provide more food by tourism operators and developers; leaving scraps around picnic tables and campsites; and leaving edible refuse in rubbish dumps ». Nous remarquons donc que ce n’est pas uniquement le touriste qui peut nourrir directement l’animal, mais que la nourriture peut provenir de diverses sources, toutes en lien avec le tourisme qui s’est développé dans le territoire de l’animal en question. Le tableau suivant, proposé par Green et Higginbottom, résume les effets négatifs, mais aussi positifs du wildlife feeding.

Arguments contre

 

  • Les populations d’animaux nourris peuvent décroître de manière significative à cause : (a) d’un régime inapproprié, (b) d’une dépendance sur une ressource qui risque d’être retirée plus tard, (c) des animaux développant des habitudes inappropriées, (d) de la propagation de maladies.

  • La population d’une espèce nourrie risque de croître de manière significative, causant du stress et des agressions entre individus qui d’habitude ont plus d’espace.

  • Les populations d’autres espèces risquent de croître ou décroître en réponse au comportement ou nombre d’animaux de l’espèce nourrie (à travers une augmentation/diminution de la compétition, prédation ou endommagement de l’habitat).

  • Le fait de donner des graines ou des fruits peut provoquer la germination de plantes exotiques.

  • Certains animaux habitués risquent de devenir nuisibles voire même dangereux durant leur réclamation de nourriture.

  • Laisser les touristes nourrir les animaux peut créer une demande de voir les animaux performer devant les touristes, au lieu de les respecter et les percevoir en tant qu’animaux sauvages.

  • Les animaux nourris deviennent semi-sauvages, et ne sont donc plus une représentation d’animaux sauvages.

Arguments pour

 

  • Dans des cas où l’habitat de l’animal a déjà été modifié par les activités humaines, le fait de nourrir les animaux peut permettre d’aider certaines espèces durant des périodes de disette ou d’aider des espèces en danger à se repeupler.

  • Dans certaines situations, cela peut aider les animaux à survivre durant des périodes critiques (sécheresse, après un feu de forêt), surtout si cela a été causé par des humains.

  • Cela peut permettre d’enseigner aux touristes des attitudes positives envers des espèces sauvages habituellement perçues comme des nuisances, du gibier ou insignifiantes, ce qui peut aider à soutenir des mesures de conservation.

  • Il est plus simple d’éduquer les touristes sur certains animaux lorsque ils peuvent être observés de près.

  • Certaines personnes ressentent qu’en nourrissant des animaux, ils repaient une sorte de dette pour la destruction causée par les humains à certaines espèces.

 

Ainsi, il est d’autant plus important, à notre avis, de nous questionner sur ces sujets car nous avons souvent tendance à considérer que les formes de tourisme qui s’intéressent à la vie sauvage respectent cette dernière. Pourtant, c’est loin d’être le cas. Il reste donc un bon nombre de questions autour du tourisme de faune sur lesquelles nous pouvons réfléchir.

Ivan Martin, décembre 2018

Bibliographie : 

 

  • Green, R, Higginbottom, K. (2001), The Negative Effects of Wildlife Tourism on Wildlife, Wildlife Tourism Research Report Series No 5

  • Orams, M. (2002), Feeding wildlife as a tourism attraction: a review of issues and impacts, Elsevier Sicence, p.281-293

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