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la poule, cet être si mal compris

 

Domestiquées depuis près de 8000 ans, la poule est, après le porc, le deuxième animal le plus élevé en Suisse, tant pour sa consommation de viande que pour sa production d’œufs. N’étant à nos yeux qu’un simple oiseau sans grande valeur morale, cet animal est bien plus complexe que ce que l’on s’imagine et a des besoins naturels qui ne sont pas toujours possibles d’assouvir en détention industrielle. Voici un aperçu de la poule et des problèmes que posent à l’élevage ses particularités fascinantes.

 

 L’origine de « notre » poule

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Toutes les poules élevées de nos jours sont les descendantes de trois différentes races venant de différentes régions de l’Asie du Sud-Est et qui leur confère leur diversité génétique : le Coq Doré (Gallus gallus), le Coq de Sonnerat (Gallus sonneratii) et le Coq de Lafayette (Gallus lafayettii). Celles-ci ont été importées et croisées en Europe et sont, au cours de l’évolution, devenues tolérantes au froid.

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En effet, leur habitat naturel de base se constituait de grandes prairies bordées de forêts denses. Ces étendues de hautes herbes leur permettaient de se prélasser au soleil sans être vues, tout en restant proches des grands arbres et buissons de la forêt afin de se cacher rapidement si un prédateur menaçait.

 

 Comportement et besoins primaires

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Nourriture variée

La poule est un animal omnivore ; son alimentation naturelle se compose de végétaux, mais également d’animaux tels qu’insectes ou rongeurs, si elle a la chance d’en attraper.

 

Possibilité de se retirer

Dans la nature, cet animal constitue une proie pour beaucoup d’autres. Il est donc primordial qu’elle puisse utiliser les trois dimensions de son environnement et se cacher derrière un buisson ou grimper dans un arbre si elle se sent menacée. La densité de végétation est aussi un facteur essentiel pour la protection de son nid et de ses œufs face aux prédateurs. Les poules éviteront donc les grands espaces ouverts et visibles aux autres animaux. Elles ont besoin de se mettre en hauteur pour dormir. Dans la nature, elles volent jusqu’à la branche la plus haute des arbres et se sentent ainsi en sécurité.

 

En société

La poule est un animal sociable qui vit en petits groupes, souvent de deux à cinq poules pour un coq. Chaque année, seulement 20% d’entre elles vont pondre des œufs ; celles-ci vont chercher un nid avec le coq et y couver leurs œufs. Il existe un rapport de dominance entre les poules et leurs liens sociaux sont très structurés.

 

Recherche de nourriture

Dans leur environnement naturel, les poules passent 80% de leur journée à gambader, fouiller et gratter la terre à la recherche de graines, de vers et d’insectes. La qualité de leur repas leur est très chère et elles se montrent très pointilleuses sur le sujet.

 

Soins du plumage

À défaut d’avoir des membres antérieurs très agiles, leur cou très flexible leur permet de se nettoyer le plumage et d’écarter tout parasite comme les puces ou les acariens. De plus, leur seule glande sébacée est située au niveau de leur queue. Le sébum limite le dessèchement de la peau et joue également un rôle bactéricide. Il doit donc être réparti sur l’ensemble de leur corps. Ce comportement est ainsi indispensable au maintien de l’hygiène corporelle.

 

Bain de poussière

Un deuxième type de comportement lié à l’hygiène est le bain de poussière. Les poules se mettent dans la poussière et s’en lancent sur le dos, puis d’autres poules viennent faire ce qu’on appelle le « gentle feather pecking », autrement dit le picage de plume affectueux et non celui que l’on peut constater sous forme agressive dans des exploitations intensives. Ce comportement très important chez la poule s’effectue tous les deux jours en moyenne et limite les risques de maladies, tout comme il favorise le contact avec ses congénères.

 

Bain de soleil

La poule est un des seuls oiseaux à prendre le soleil. Elle étend ses ailes et laisse ainsi les rayons du soleil pénétrer jusqu’à sa peau pour que son organisme puisse synthétiser de la vitamine D, tout comme nous le faisons nous-mêmes, les humains.

 

Comportement sexuel

Ce sont les coqs qui choisissent leur(s) partenaire(s) de reproduction. Ils se montrent en étendant leurs ailes et marchent de façon élégante, ou font semblant d’avoir trouvé une source de nourriture pour attirer les femelles, puis ils en choisissent une, souvent leur préférée, et la fécondent en quelques secondes seulement en leur grimpant sur le dos.

 

La ponte

Le choix de la place du nid est primordial pour la poule sur le point de pondre. En effet, le processus physiologique de production dun oeuf est très énergivore, tout comme la production de lait chez un mammifère. Tous deux doivent constituer une source dénergie conséquente afin que le nouveau-né puisse démarrer sa vie grâce à son organisme désormais détaché de la mère. Loeuf est donc très précieux pour la poule car rempli de divers nutriments et de protéines. La recherche d’un endroit relativement mou et peu exposé pour pondre peut durer plus d’une heure et le processus même de ponte presque une heure également.

 

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 Problèmes liés à l’élevage intensif

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Tous ces comportements ont été observés dans le milieu naturel des poules sauvages. Si certains d’entre eux ne sont pas nécessaires en élevage comme le besoin de se percher en hauteur pour se cacher des prédateurs, ce sont des besoins instinctifs et innés qui doivent être respectés et pouvoir être assouvis à tout moment de la vie des poules. Malheureusement, c’est loin d’être le cas de nos jours, les comportements qui ont pu être observés en exploitation intensive étant encore trop peu satisfaisants et mériteraient d’être rediscutés. En voici quelques exemples.

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Pas d’exposition au soleil 

Bien que la lumière du jour soit prescrite dans les poulaillers, celle-ci peut se faire à travers des vitres transparentes qui ne permettent pas la pénétration des rayons du soleil, nécessaires à la synthèse de la vitamine D. Celle-ci étant essentielle au bon fonctionnement de son métabolisme, sa supplémentation à travers la nourriture est donc indispensable si l’exploitation ne propose pas d’accès au plein air.

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Densité

Les poules sont des animaux sociables, mais la taille du groupe est en étroite corrélation avec le stress subi par les poules : si elles se regroupent par 15-20 naturellement, se retrouver avec 18’000 têtes sous un même toit ne permet aucune hiérarchie ni de liens sociaux propres à leur espèce et crée de gros troubles psychiques chez ces animaux. Les rapports de dominance entraînent des comportements agressifs et un chaos social total.

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Cadence de la ponte

Dans la nature, une poule pond un œuf tous les deux jours, jusqu’à 10-12 œufs d’affilé au maximum et seulement en période de ponte. Dans l’élevage, toutes les conditions sont mises en œuvres (climat, éclairage, air, etc.) pour que chaque poule produise un œuf par jour jusqu’à 220 jours d’affilée. Quelques jours de pause leur sont accordés, puis la cadence reprend de plus belle jusqu’à ce que les poules, trop épuisées pour la suivre, soient envoyées à l’abattoir à un âge très prématuré.

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Restriction alimentaire

Les poulets que l’on mange pèsent déjà 2 kg à l’âge d’un mois, tandis que leurs parents doivent vivre jusqu’à 58 semaines. Avec des gènes codant pour une croissance aussi rapide, les parents ne seraient donc plus en mesure de marcher et de se reproduire après quelques mois si leur nourriture n’était pas restreinte. S’ils mangeaient à leur faim, ils pourraient peser une dizaine de kilos après une cinquantaine de semaines. On doit donc extrêmement réduire leur alimentation, surtout pendant « la période de mue » qui précède la première ponte des poules. Durant cette période, les poules (et coqs) sont maintenus plusieurs heures dans une faim extrême, ce qui déclenche la mue, phase causant beaucoup de souffrance pour les poules. Ceci dit, même en dehors de cette période, les poules ont constamment faim afin de ne pas atteindre un poids complètement démesuré.

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Picage de plumes (« feather pecking »)

Les parentales n’ont pas assez à manger et cherchent donc constamment une nourriture qui n’existe pas. À cause de cela (et probablement aussi du stress ou de l’ennui), elles se « piquent » entre elles et s’arrachent les plumes mutuellement. Dès qu’il y a une goutte de sang, elles se jettent toutes dessus et la poule saignante devient le martyre. Les martyres et poules boiteuses sont enlevées du groupe et continuellement tuées (d’abord on les assomme avec une pince, puis on leur brise le cou). Toutefois, la souffrance est inévitable est continuelle ; même en enlevant les martyres du groupe, ce sont toujours de nouvelles poules qui jouent ce rôle car la faim est omniprésente et dans ce cas-là, la loi du plus fort y règne plus que jamais.

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Souffrance des lignées parentales

Après 58 semaines de reproduction intense, les poules ne sont plus en mesure de produire des œufs. Elles sont laides et toutes déplumées. Leur dos est lacéré à force de supporter des coqs qui leur montent dessus en s’accrochant avec leurs serres. Cela explique que soit interdit le rognage des doigts et des ergots des poussins mâles de lignées parentales de poulets de chair et de pondeuses (Art. 15, al. 2, let. d, OPAn). À cet âge, elles sont trop épuisées pour continuer à pondre et « trop laides » pour pouvoir être abattues et vendues comme des poulets normaux. Ces poules (et coqs) sont beaucoup plus grosses que les poulets que l’on achète au supermarché. Elles ne peuvent donc pas être abattues dans le même abattoir que leurs descendants, car les machines ne sont pas calibrées à leur taille. Après 58 semaines, les parentaux sont donc renvoyés en Allemagne pour l’abattage.

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Déformation du sternum

Des recherches sur les déformations du sternum chez la poule se font déjà depuis 1936. Ces déformations sont dues d’une part à la qualité des perchoirs et de l’autre à des dysfonctionnements métaboliques liés à la production intensive d’œufs qui lui font perdre beaucoup de calcium. Ces troubles sont tels qu’ils ont même été classés sur une échelle de 1 à 4, le numéro 1 étant la déformation la plus marquée. Ce sont souvent des fractures qui causent une douleur à la poule et nuisent gravement à son bien-être.

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Place sur les perchoirs

Comme décrit plus haut, les poules choisissent systématiquement la branche d’arbre la plus haute pour s’y reposer. Dans le poulailler, les perchoirs sont placés à différentes hauteurs et il y n’y pas de place pour toutes les poules sur les perchoirs les plus hauts. Les poules qui arrivent en dernier cherchent à se faire une place également, ce qui conduit souvent à des bousculades et beaucoup de poules en tombent, provoquant blessures et frustration.

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Cannibalisme

Beaucoup de facteurs de stress sont présents chez les poules ; trop grande densité, pas assez de place sur les perchoirs pour dormir, trop de poules à l’abreuvoir, présence de parasite, changement de nourriture… Tous ces facteurs engendrent un mal-être chez l’animal et conduisent pour la plupart des cas à du picage de plumes, mais parfois aussi à du cannibalisme, grand problème dans le monde de l’industrie avicole.

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Recherche de nourriture

Les poules sont très sélectives et choisissent minutieusement chaque graine qu’elles ingurgitent. Cela pose un problème dans l’élevage, car beaucoup de graines sont éparpillées, ce qui représenterait une perte d’argent significative pour les éleveurs. C’est pourquoi on trouve sur les mangeoires des séparateurs en forme d’arc pour que les animaux ne puissent plus sélectionner leur nourriture et diminuer la perte, constituant un facteur de stress supplémentaire pour l’animal.

 

 Le bien-être animal remis en question

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Alors que beaucoup voient la législation suisse comme fiable et prometteuse concernant le bien-être animal, celle-ci présente manifestement beaucoup d’imperfections, dont on peut clairement voir les conséquences néfastes. Picage de plume, poules martyres voire cannibalisme sont autant de problèmes qui démontrent une nécessité de revoir des règles que l’on idolâtre presque, au détriment de ceux qui la subissent malgré eux, les animaux en question.

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Sarah Lopez, janvier 2019

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Sources :

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