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2050 : que s’est-il passé en 30 ans pour les animaux ?

Dernière mise à jour : 3 sept. 2019

La réponse de Malena Garance Azzam.


Nous avons posé la question à différents acteurs de la cause animale, qui se sont prêtés à cet exercice d’anticipation avec habileté et créativité. Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir huit poèmes inédits de Malena Garance Azzam, réalisatrice indépendante, co-fondatrice de la Crémerie Végane, militante engagée (et poétesse de talent, ndr).


Bestial


1

Voyez-vous poindre au loin, érigés vers le ciel

Les silos de grains, par tonnes industrielles

Gaver les condamnés, derrière les murs, cachés

Lorsque vous cheminez les routes, les sentiers ?

Qui d’entre vous a pénétré ces portes closes

Bâties de pierres et de fer, du monde isolées

Là où les corps de sang et de chair se nécrosent

Invisibilisés pour être dévorés ?

Pour une mort trop précoce, ils sont détenus

Pour vos appétits féroces, ils sont vos menus

Sous les slogans mensongers du bien-être

On vous vend en barquette leur paradis champêtre

De jour et de nuit, la lune leur est inconnue

Jouir d’une liberté, leur est défendu

Des regards apeurés en grand nombre s’éteignent

Des cadavres mutilés à l’ombre s’étreignent

Croupissant sous le poids de difformes douleurs

L’existence du dehors n’a pas de couleurs

Par milliers entassées, les bêtes se dévorent

Dans un triste décor, la vie attend la mort

Pour un bout de chair, de côte ou un verre de lait

Un repas, en convivialité, digéré

À l’aube déportés, les autres contre les uns

Les animaux traversent leur dernier matin

Pouvons-nous partager les étoiles contemplées ?

Avec eux traverser les terres habitées ?

Quand pourrons-nous leur tendre nos cœurs et nos mains ?

Et leur permettre enfin de nouveaux lendemains ?

Jouir de la rosée, à l’aube d’une promesse

De longévité, jusqu’au dernier crépuscule

Jouir d’une sieste sous une caresse crédule

Un refuge de paix, pour toutes les espèces.

2

Lorsque l’on pénètre le seuil

Le cœur est déjà en deuil

À la vue de nouveaux-nés

Aussi nombreux, entassés.

On compte autant de cercueils

Que l’on compte les condamnés.

Aucune conscience ne sait

Que les jours leur sont comptés

La peur stagne, tout le temps

Elle alerte, à chaque instant.

Dans les regards exprimés

Des soupirs désespérés.

Un seul bruit peut provoquer

Les souffles terrorisés

Aucune pitié ne rassure

Ni ne panse leurs blessures.

Seul un geste inespéré

Libère les créatures

De la gorge tranchée.

Piccata de porc Sentez-vous Le goût de la mort ?

3

Les animaux élevés

Les animaux dressés

Les animaux moqués

Les animaux volés

Les animaux violés

Les animaux frappés

Les animaux blessés

Les animaux chassés

Les animaux portés

Les animaux noyés

Les animaux gazés

Les animaux coupés

Les animaux tranchés

Les animaux mangés

Les animaux mâchés

Vénérés, égorgés,

Méprisés, marchandés,

Dépecés, digérés

Et on dit les aimer.

Les animaux sont

— À tort !

Tués, mis à mort.

4

Femelles inséminées

Laitières et nourricières

Paraissent généreuses

Se font traire

Pour nourrir

Les bébés

Des maîtres

Humains.

Les veaux et leur mères,

Dans leur triste réalité

Souffrent et meuglent

Leur soudaine séparation

Lorsque vient de terminer la gestation,

S’appellent durant des nuits

Et des jours entiers.

Pour des prétextes

Et des coutumes

Qui aveuglent et enfument

On s’arroge les droits,

De vie ou de mort

Sur l’animal

Qui souhaite

Juste

Vivre.

Les veaux et leur mères, Dans leur triste réalité Souffrent et meuglent Leur soudaine séparation Lorsque vient de terminer la gestation, S’appellent durant des nuits Et des jours entiers.

5

Bénéfique est l’exploitation

Confortable est le dressage

Dans l’extension des cages,

Les geôliers profitent

Du marchandage

D’un spectacle

Sauvage,

Tandis que les déguisements

De paillettes et de strass

Aveuglent les sondages

Font ombre à la fête

Masquent en piste

Les otages

Esclaves,

Sous les costumes et maquillages

Pour d'anciennes coutumes ludiques

Les éléphants trompettistes

Barrissent en musique

Se font applaudir

Pour divertir

Des enfants

En âge.

Sous les coups de fouets et de pics

Un chimpanzé marionnettiste

De plusieurs chamelles, s’attriste,

Quelques zèbres illusionnistes

Un cheval unijambiste

Un lama trapéziste

Une chienne déguisée

En petit ours cycliste

Se font applaudir

Sous les rires

Du public

Bestial.

Quel langage leur faut-il parler

Pour enfin convaincre les cœurs

Que toutes leurs arabesques

Résultent de souffrances et contraintes ?

Quelles violences leur faut-il éprouver

Encore, pour convaincre les mœurs

De les épargner enfin

De nouveaux gestes et douleurs à craindre ?

Le funambule est un piètre équilibriste

Lorsqu’en maître il dompte les animaux.

Il déploie ses véritables talents d’artiste

Sous un chapiteau, lorsqu’il est seul

Héros de ses prouesses et numéros,

En piste, dans un cirque sans animaux.

6

Rencontrer une détresse

Mesurer une tristesse

Partager une caresse

Accorder de la pitié

Offrir son amour, son amitié

S’éprendre de Justice, surtout

Leur rendre leur liberté.

Qui mangera Le dernier animal ? Il y en aura bien un Tôt ou tard Qui sera-t-il ?

7

Blanquette de veau à la crème

Un bébé

Est séparé de sa mère.

Cœurs de poulet en brochettes

L’individu

Est dissocié de l’assiette.

Entrecôtes farcies et rôties

La chair

Vivante, aimait la vie.

Poissons, fruits de mers et crustacés

Dans l’océan

Sont des nations tuées.

Jarret et filet

Du pareil au même

Ils font toujours les frais.

Piccata de porc

Sentez-vous

Le goût de la mort ?

À point, bleue ou saignante

Comment l’aimez-vous

Votre viande ?

Assis, debout ou couché

Comment l’aimez-vous

Votre canidé ?

En cuir, vison, électrocuté

Comment aimez-vous

Sur vous, le porter ?

Mâchés, mangés et avalés

Est-ce ainsi que vous considérez

Les autres tués ?

Dignité, gavé et dépecé

Est-ce ainsi que vous parlez

Du bien-être animal ?

Liberté, équité et solidarité

C’est ainsi

Que nous devrions toustes cohabiter.

8

Qui mangera

Le dernier animal ?

Il y en aura bien un

Tôt ou tard

Qui sera-t-il ?

Qui sera

Le dernier animal

Qui mangera

Un autre animal ?

Sera-t-il un chien ? Ou un humain ?

Qui, pour survivre, se remplira

De ce qu’il trouvera

De ce qu’il chassera

De ce qu’il restera

Après que son espèce tout dévasta ?

Sera-t-il un animal d’une toute autre espèce ?

Peut-être un équidé ? Une truie ou un requin ?

Sera-t-il une proie ?

En faim de chance et d’aubaine ?

Qui croisera le chemin

D’un prédateur inerte,

Ou de restes d’humains,

Et qui se remplira, de son dernier repas

Avant de céder au dernier cœur qui bat ?

Sera-t-il un végétal ?

Dans le désespoir

Capable de tout

Pour survivre

Aux cruelles lois

Jusqu’à s’adapter

D’une chair émaciée

Putride et périmée

Dont il puisera

Les derniers nutriments ?

Sera-t-il dégoûté

De ce qu’il avalera ?

Pourra-t-il digérer

Le dernier repas

D’un condamné ?

Qui sera-t-il

Le dernier animal

Qui mangera

Un autre animal ?

Osera-t-il

Assumera-t-il

Être le dernier ?

Ou cédera-t-il avant

Pour précéder

La honte portée

Par celui qui mange

L’autre qui comme lui,

Qui mange — autrui ?

Qui sera,

Le dernier animal ?


- dossier préparé par CL -

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