Être antispéciste et donc végane ne se résume pas à un mode d’alimentation. Certes, cela implique nécessairement d’être végétalien, mais c’est aussi tout un ensemble de valeurs morales fondamentales. Être végane, c’est rejeter tout ce qui touche à l’exploitation des animaux non humains. Ainsi, ce n’est pas seulement la nourriture qui provient des animaux qui est à bannir, mais également tout produit ou loisir qui exploite des animaux. Pas de laine, pas de visite de zoo, pas de spectacle mettant en scène des animaux marins, etc. Nous comprenons ainsi qu’être végane repose sur une vision du monde plus juste envers les autres animaux et implique dès lors un mode de vie qui est bien différent de celui des personnes qui ne partagent pas ces valeurs. Dès lors se pose une question : est-il possible pour un(e) végane d’entretenir une relation amoureuse avec une personne qui ne l’est pas ?
Il va sans dire que pour survivre dans un monde spéciste, nous devons, en tant que véganes antispécistes, nous distancer émotionnellement si nous ne voulons pas être dépités ou en colère à chaque fois que nous nous retrouvons face à des gens qui ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre, toute la souffrance que cachent les produits issus de l’exploitation des animaux qu’ils consomment. Et encore, la souffrance n’est pas la seule conséquence négative de cette exploitation ; à elle, nous pouvons ajouter le réchauffement climatique, le gaspillage des ressources et bien d’autres choses encore rien qu’en nous concentrant sur l’aspect alimentaire. Comment se fait-il que les personnes qui continuent à consommer ces produits ne se rendent pas compte de tout cela ? Après tout, il est quand même démontré régulièrement, grâce aux informations relayées sur les réseaux sociaux et dans certains médias, que la consommation d’aliments issus des animaux n’est bonne ni pour ces derniers, ni pour nous, ni pour la planète et qu’en tant qu’Occidentaux, avec toutes sortes d’alternatives à ces produits à portée de main, nous n’avons aucune raison valable éthiquement pour continuer sur cette voie de consommation.
Pourtant, ne soyons pas trop durs, nous ne sommes pas non plus nés véganes pour la plupart d’entre nous. Par conséquent, tâchons de ne pas oublier qu’à une époque, nous faisions partie nous aussi de ceux qui ne voulaient pas savoir, qui ne voulaient pas changer leur mode de vie pour le bien-être des animaux et de la planète. Ce point est très important car il permet d’entretenir de bonnes relations avec les personnes non véganes que nous fréquentons car plutôt que de revêtir ce rôle de moralisateurs qui, il faut le dire, a souvent tendance à agacer nos interlocuteurs, nous pouvons faire preuve de compréhension à leur égard et par conséquent respecter leurs choix. Du moment que chacun accepte l’autre comme il est, il n’y a pas de raison qui empêche deux personnes de partager des valeurs morales différentes de s’entendre parfaitement bien. D’ailleurs, en étant nous-mêmes véganes, nous pouvons inciter indirectement certaines personnes à réfléchir sur leurs choix à l’égard des animaux puisqu’il n’est pas rare que l’on nous questionne sur les raisons qui dictent notre mode de vie.
À travers un morceau de viande hebdomadaire, c’est tout un ensemble de valeurs – le rejet du spécisme – qui est mis à mal.
Malgré tout, nous constatons que si nous restons ouverts d’esprit en intégrant le fait que chaque individu fait son propre chemin dans le temps qui lui est nécessaire, il arrive quand même un moment où ne pas partager les même valeurs morales au sujet des animaux et de leur exploitation peut se révéler plus problématique. Ce moment où un(e) végane décide de fonder une famille avec une personne qui ne l’est pas : l’enfant sera-t-il végétalien ou non ?
Par expérience, nous pouvons soutenir le fait qu’une relation de couple est faite de compromis ; il n’est en effet pas possible d’être parfaitement d’accord sur tout. Mais quand nous nous retrouvons face à des divergences de valeurs morales, le compromis est-il encore vraiment possible ? Il semble que dans ce cas particulier, nous soyons contraints de faire un choix radical dans la mesure où il n’est pas possible d’être en partie végétalien. Un enfant qui mange de la viande (ou tout autre produit issu de l’exploitation animale) une fois par semaine est un enfant omnivore. Nous constatons qu’effectivement, le compromis ne fonctionne pas car même avec une ration qui peut être considérée comme minime par rapport à ce que d’autres enfants consomment comme produits carnés, il n’en reste pas moins qu’à travers ce morceau de viande hebdomadaire, c’est tout un ensemble de valeurs – le rejet du spécisme – qui est ainsi mis à mal. En donnant de la viande à un enfant, nous lui faisons passer le message que l’exploitation animale est justifiable moralement. Et si nous lui tenons le discours contraire, à savoir qu’elle n’est pas justifiable, il risque de se trouver un peu perdu ; imaginez-vous expliquer à votre petit que le massacre de milliards d’animaux est injuste tout en lui servant un steak haché… un peu étrange, non ? À l’inverse, s’il est décidé que l’enfant est végétalien, le parent omnivore peut lui aussi ressentir une certaine frustration. Devra-t-il obligatoirement, par exemple, se priver de consommer des produits animaux devant son enfant ? Devra-t-il expliquer pourquoi il ne soutient pas les croyances de son ou sa conjoint(e) ou alors, s’il partage ces celles-ci mais ne les applique pas, expliquer en quoi consiste la dissonance cognitive ?
S’il est évident que chaque parent peut transmettre, ou du moins essayer, ses propres valeurs morales à son enfant et qu’une fois adulte, ce dernier pourra faire ses propres choix, il semble tout de même difficile de l’élever selon des croyances spécistes et antispécistes à la fois. L’une devra forcément annihiler l’autre ou alors l’enfant se trouvera face à une contraction quotidienne entre les valeurs qu’on lui inculque et ce qu’on met dans son assiette.
Pour conclure, à la question de savoir s’il est possible d’entretenir de bonnes relations entre véganes et non-véganes, la réponse est évidemment positive quand il s’agit de relations qui n’exigent pas que l’une des deux personnes concernées soit contrainte à mettre de côté ses propres valeurs morales. L’interrogation persiste néanmoins quand vient s’ajouter à ces deux personnes un enfant qu’elles devront élever selon les croyances de l’une ou de l’autre. Comme nous l’avons vu, il semble difficile d’allier deux systèmes éthiques aussi opposés que relativement à la question de l’exploitation animale.
- VZ -
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